Carte blanche à Ouarzazate Films
Nous inaugurons de manière formelle en 2012 une Carte Blanche aux productions venant des studios de la région de Ouarzazate pour plusieurs raisons. Le lien ancien étroit entre la Région Franche-Comté et la Région Ouarzazate matérialisé par de belle réussite dans le domaine du tourisme et de l’environnement, et aussi pour les liens avec la nouvelle université dont la section audio visuelle est prometteuse. Nous accueillons un film de Daoud Aoulad-Syad, tourné dans les studios de Ouarzazate, qui fait suite à celui présenté en 2010, En Attendant Pasolini.
La Mosquée
Samedi 10 novembre à 18h. Petit Kursaal. • Réalisé par Daoud Aoulad-Syad • Maroc, 2010, 85 min, Beta • Avec Abdelhadi Touhrach, Bouchra Hraich, Mustapha Tahtah, Naceur Oujri, Salem Dabella.
Les décors du film antérieur à celui de Daoud Aoulad-Syad, En Attendant Pasolini, avaient été élevés sur des parcelles de terre louées à des villageois. Une mosquée avait ainsi été construite sur le terrain de Moha.
À la fin du tournage, l’équipe du film quitte les lieux. Les villageois démolissent tous les décors à l’exception de la mosquée, devenue un véritable lieu de culte et de prière pour tout le village. Et un vrai désastre pour Moha qui cultivait sur ce terrain les légumes qui permettaient à sa famille de vivre…
Le film a débuté à cause d’une histoire vraie : pendant le tournage d’En attendant Pasolini, les villageois venaient prier dans le décor de la mosquée construite à l’occasion du tournage du film. La mosquée de cinéma est devenue un véritable lieu de culte, car le propriétaire ne pouvait pas refuser aux villageois l’entrée du lieu de culte. La fiction a construit de la réalité : la mosquée, elle-même chemin de la spiritualité (comme on pourrait d’ailleurs le dire du cinéma).
Comme dans le film En attendant Pasolini, la religion est malmenée, tournée en dérision, à l’image de la mosquée d’artefact dont on voit un des deux pans complètement artificiels. Car le film est également une sorte de fable sur la religion, la mosquée représentant ce qui a perduré même si elle était au départ décor et invention (de cinéma). En filigrane, Daoud Aoulad-Syad ne dit-il pas que le cinéma pourrait ainsi être une nouvelle religion ?
Le film pose également une autre question, tout à fait passionnante : est-ce que le monde du cinéma construit un monde réel ? Une fois l’équipe de tournage partie, les villageois de Zagora se sont retrouvés sans rien. Seul le décor de la mosquée est resté. Et le souvenir du tournage. Détruire la mosquée, c’est aussi détruire le monde fictif du cinéma, la seule relique du tournage et de son monde imaginaire. La sauver, c’est sauver la capacité de regarder, et d’écouter, ce que le film n’arrête pas de mettre en avant. Daoud Aoulad-Syad met dans ce film toujours la même verve à parler de religion, avec toujours cette même distance anthropologique qui le caractérise.
Daoud Aoulad-Syad
Né en 1953 à Marrakech (Maroc).
Il termine un doctorat en sciences physiques à Nancy, puis enseigne à la Faculté des Sciences de Rabat. Il suit les cours de La Femis à Paris, travaille comme photographe et publie en tant que tel trois livres : Marocains, en 1989 ; Boujaâd, Espace et mémoire, en 1996 ; et Territoires de l'instant, avec Ahmed Bouanani, en 2000.
Sa carrière cinématographique débute en 1989 avec trois courts-métrages (dont Kricature et Paris, 13 juillet) et un premier long-métrage dans les années 90.
En 1991, il s'essaie au court-métrage documentaire avec Mémoire ocre. La même année suivent Écrans du sud, puis Entre l'absence et l'oubli, sélectionné dans les festivals de Carthage, Fribourg et Milan.
En 1998, il réalise son premier long-métrage Adieu forain. Trois ans plus tard suit Le Cheval de vent, avec Faouzi Bensaïdi.