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Seules les bêtes
Réalisé par Dominik Moll
Avec Denis Ménochet, Laure Calamy, Damien Bonnard
2019 – France – 1h57
Une femme disparaît. Le lendemain d’une tempête de neige, sa voiture est retrouvée sur une route qui monte vers le plateau où subsistent quelques fermes isolées. Alors que les gendarmes n'ont aucune piste, cinq personnes se savent liées à cette disparition. Chacune a son secret, mais personne ne se doute que cette histoire a commencé́ loin de cette montagne balayée par les vents d’hiver, sur un autre continent où le soleil brûle, et où la pauvreté́ n’empêche pas le désir de dicter sa loi.
2 mondes délaissés par la fiction
Avec Gilles Marchand, Dominik Moll a adapté le livre "Seules les bêtes" de Colin Niel. Plusieurs choses présentes dans l'ouvrage ont poussé les scénaristes à se lancer dans l'aventure, comme par exemple cette exploration de deux mondes bien différents et souvent délaissés par la fiction : "La campagne française, en l’occurrence les Causses où les éleveurs sont parfois si isolés qu’ils ont du mal à fonder une famille, et à cinq mille kilomètres de là, une métropole africaine de près de cinq millions d’habitants, Abidjan, où certains jeunes rêvent de faire fortune en devenant « brouteurs », c’est à dire cyber-arnaqueurs. Colin Niel rend ses personnages si vibrants et attachants que j’avais envie de les voir en chair et en os."
Structure particulière
Une autre raison qui a poussé Dominik Moll à réaliser Seules les bêtes réside dans la structure spécifique du roman, où chaque chapitre correspond au point de vue d'un personnage. Le réalisateur explique : "Cette structure crée du mystère et du suspens. A chaque nouveau chapitre se dévoile une couche supplémentaire du récit global, un autre point de vue, de nouveaux éléments, qui apportent un éclairage nouveaux sur ce qui a pu se passer. Cet éclairage créant lui-même de nouvelles zones d’ombre. Cette structure singulière rend aussi le spectateur particulièrement actif. Changer de point de vue peut dérouter un instant mais ça devient vite ludique et excitant."
Un lieu à fort potentiel cinématographique
La majorité de l'intrigue de Seules les bêtes se déroule dans le Causse Méjean au sud du Massif central. Dominik Moll confie : "J’y avais séjourné deux fois et à chaque fois j’avais été frappé par le potentiel cinématographique de ces paysages. Le plateau du Causse a quelque chose de très particulier, cette immense étendue désertique cernée de gorges, lui donne un côté forteresse naturelle, seulement accessible par de petites routes en épingles à cheveux. D’ailleurs l’histoire joue de ce contraste. Il y a ceux qui vivent sur le Causse, et ceux de la vallée. Ces paysages sous la neige sont bien sûr très cinégéniques, mais ils renvoient surtout à ce que sont les personnages."
Tourner à Abidjan
Pour les scènes se déroulant à Abidjan, Dominik Moll et son équipe ont tourné dans les quartiers de Yopougon et Treichville. Le cinéaste se rappelle : "Outre l’aide précieuse de Faissol Gnonlonfin et Joël Akafou, nous avons pu nous appuyer sur une production locale (Boucan Productions), ce qui nous a grandement facilité la tâche. L’équipe était mixte, européenne et africaine, ce qui a également permis de se faire accepter par les habitants. Par moment nous étions dans une configuration presque documentaire, notamment dans les scènes de rue où nous avons pu profiter de la figuration naturelle, ce qui amène toujours de la vie et du réel et renforce et nourrit d’autant plus la fiction."
Film noir et politique
Dominik Moll voit Seules les bêtes comme un film noir. Il précise : "Mais tourner à Abidjan, montrer ces jeunes dans leur désir de richesse, montrer aussi l’isolement d’un certain monde rural en France, mettre ces deux mondes face à face aujourd’hui... tout cela a bien sûr une dimension politique. Que l’on soit sur le Causse ou à Abidjan, au-delà des inégalités économiques, chacun recherche un idéal. Mais malgré le réseau internet qui désormais relie potentiellement tous les individus de la planète, le paradoxe du « si loin –si proche » ne cesse ne se creuser. Nous sommes peut-être de plus en plus proches... et de plus de plus en plus loin."
Biographie
Dominik Moll
Né de père allemand et de mère française, Dominik Moll grandit à Baden-Baden. Adolescent, il rêve de tourner des documentaires animaliers. Parti à New York étudier le cinéma à la City University, il tourne en 1983 son premier court métrage, The Blanket, d'après une nouvelle de Bukowski. Il réalisera plusieurs autres courts dans le cadre de l'IDHEC où il se lie d'amitié avec d'autres futurs cinéastes, notamment Laurent Cantet (Moll sera son assistant réalisateur sur Les Sanguinaires et Ressources humaines) et Gilles Marchand, qui deviendra son scénariste. Il assiste également Marcel Ophuls sur le tournage du célèbre documentaire-fleuve Veillées d'armes en 1994.
Dominik Moll réalise en 1993 son premier long métrage, Intimité, inspiré d'une nouvelle de Jean-Paul Sartre, mais ce coup d'essai, dans lequel apparaît déjà le goût du cinéaste pour la manipulation, passe inaperçu dans les salles. Moll devra attendre six ans pour tourner son deuxième film, Harry, un ami qui vous veut du bien. Ce thriller brillant et dérangeant, présenté en Sélection officielle à Cannes, obtient un succès public qui dépasse les frontières, ainsi que 4 Césars, dont ceux de Meilleur réalisateur et de Meilleur acteur pour Sergi Lopez, parfait dans un rôle, à contre-emploi, de psychopathe plein de bonnes intentions. Son partenaire, Laurent Lucas, fera partie du quatuor formé par Dominik Moll pour son film suivant, le tout aussi inquiétant Lemming. Ce troisième opus, qui réunit aussi Charlotte Gainsbourg, André Dussollier et Charlotte Rampling, est présenté en ouverture du Festival de Cannes 2005.
Dominik Moll réalisera son film suivant cinq ans plus tard. Cette fois, le cinéaste entreprend l'adaptation d'un roman gothique du XVIIIème siècle, écrit par Matthew Lewis. Son Moine est porté par Vincent Cassel, Déborah François, Géraldine Chaplin, et le fidèle Sergi Lopez.